Le Jeu des Nous

Description de cette histoire collective : Quelles ont été les grandes étapes d'évolution du Nous ? Les évènements marquants ? Les effets sur les personnes et sur la dynamique de groupe ?

Créée en 2007 par 3, entrepreneurs sociaux, amis dans la vie et dans le travail, la (courte) vie de PatteBlanche n'a pas été de tout repos. Partis de rien (pas de réseau, pas d'argent, pas de compétences sur le métier), et spécialisés sur un sujet que peu connaissait le développement durable, l'agence s'est agrandie au fil des années, amenant les fondateurs à franchir des grandes étapes personnelles et managériales.

 

Les débuts, petite équipe, peu de management et sur motivation

Le démarrage de l'aventure entrepreneuriale s'est fait lentement. Il a déjà fallu apprendre le fonctionnement d'une entreprise et le métier de communicant, puis réussir à convaincre nos prospects, obnubilés par la croissance, de l'intérêt de prendre en compte dans leurs activités les sujets de responsabilité sociale, environnementale et sociétale.

Mais le timing a été bon. Le Pacte Ecologique (2007), une vérité qui dérange (Al Gore), le Grenelle de l'Environnement, ont été autant de signaux favorisant l'émergence du sujet. Un jour, alors que nous étions devant feu Viadeo (simili LinkedIn) à essayer de trouver des prospects, le téléphone sonna.  Danone au bout du fil. L'aventure était lancée, nous avions une belle référence et l'équipe a commencé à grandir. Dans notre 4ème année, nous étions 7. 3 associés, puis 4, ainsi que 3 co-équipiers recrutés au fil du temps. Des profils « cabossés », aux parcours pas linéaires, mais super motivés par les valeurs de PatteBlanche, agence quasi unique en son genre en France. Nous n'étions pas des managers, nous avons créé PatteBlanche à la sortie de nos études, et cette petite équipe avait des airs de bande de joyeux lurons, copains, complices, relevant dans la joie, parfois dans le stress, les défis qui s'offraient à nous. Les associés étaient sur motivés et ne comptaient pas les heures de travail. Tout était nouveau, tout était à apprendre, tout était passionnant. L'équipe était soudée et motivée.

 

Une équipe qui grandit, un management qui se verticalise

Les années suivantes, l'équipe a continué de grandir pour arriver à une dizaine de personnes au bout de 7 ans. Les projets devenaient plus gros et les enjeux financiers aussi, amenant leur lot de stress et de responsabilité. Le réflexe, marqué par nos schémas ancestraux, a été d'appliquer un management relativement vertical, marquant une scission nouvelle entre les salariés d'un côté et les associés d'un autre. Les attentes mutuelles étaient grandissantes et les premiers conflits sont apparus. Entre membres de l'équipes d'abord, puis entre membres de l'équipe et associés. Les postures avaient commencé à changer. Et il était difficile d'accepter les « petites histoires humaines » de l'équipe. « Pourquoi un tel ne veut plus parler à un tel ? Nous ne sommes que 10 et les valeurs que nous défendons devraient nous amener à dépasser les petites chamailleries ». Mais non. Nous découvrions la vie d'une petite équipe et ses contraintes que nous ne voulions pas et que l'on sentait nous détourner de notre mission extérieure. De plus, le management vertical nous rendait plus « durs », éloignés du cœur et de la joie. Nous n'avions jamais voulu le « pouvoir », nous voulions juste faire de notre mieux pour proposer d'autres possibles dans le monde. Ce désalignement nous a amené à changer de posture.

 

La croissance et l'entreprise libérée

Les années suivantes la croissance de PatteBlanche a continué sur un rythme régulier nous amenant en 2019 à une vingtaine de personnes. Ces années ont été marquées par notre expérimentation de « l'entreprise libérée » pour sortir du management vertical et réinventer une entreprise plus en phase avec nos valeurs. Nous observions chez nos clients ou dans nos recrutements à quel point le travail et l'organisation des grandes entreprises pouvait être destructeur de potentiel humain. Cette expérimentation a nécessité un changement de posture et une déconstruction de nos schémas collectifs et individuels. Cette démarche, accompagnée par divers consultants et avocats, créée et imaginée sur mesure a commencé à laisser entrevoir un autre Nous, devenu nécessaire avec l'augmentation du nombre de personnes dans l'agence. Eloignant les uns des petites histoires, confrontant les autres à leurs limites et croyances, le travail, parfois déstabilisant d'un point de vue organisationnel et personnel, a permis d'explorer une relation différente, plus transparente, plus sur le cœur et les émotions. Du moins les 2 premières années d'expérimentation.

En 2018 /2019, les associés ont lancé de nombreux nouveaux projets, dont la création d'une nouvelle start up et la création d'un tiers lieux a Montpellier, puis a Cayenne. Ces nouveaux projets nous ont éloignés de l'équipe au quotidien. Nous nous retrouvions tous au minimum une fois par mois, pendant une journée dédiée au Nous, à l'entreprise libérée, mais cela n'a pas été suffisant et les changements de bureaux ont cristallisé ce que l'on n'avait pas perçu : nous avions libéré les individualités plus que l'entreprise et des jeux de pouvoirs et de dires se sont installés insidieusement au sein de l'équipe. Jusqu'à l'explosion au grand jour de mécanismes toxiques, entraînant l'équipe dans un tourbillon humain. Après avoir tenté de recoller les morceaux de l'équipe fragilisée et fatigués des histoires humaines et en perte de motivation sur l'activité historique de PatteBlanche, les associés se sont éloignés en 2019 de PatteBlanche, après avoir recruté une « facilitatrice », pour explorer de nouvelles pistes, chacun de son côté. Le temps de la mue et de la transformation personnelle. Cette prise de distance des associés et l'arrivée d'une nouvelle personne au rôle non avoué de « directrice », a créé un choc d'organisation et de valeurs.  Au bout d'une année où pour la première fois dans PatteBlanche, des personnes étaient en souffrance, nous avons décidé d'aller plus loin sur l'autonomisation des équipes et le partage des décisions en mettant en place un nouveau design de gouvernance partagée avec l'UDN.

 

La gouvernance partagée et la « décroissance »

En Juillet 2019, l'UDN nous a mis le pied à l'étrier de la Gouvernance Partagée. L'intention était de recréer du nous et de partager les prises de décisions pour une agence plus résiliente et moins dépendante de ses fondateurs. Un grand bol d'air, structuré et structurant, qui a permis, non sans difficultés, de relancer une nouvelle dynamique collective. Et vraiment collective. Exercice que nous n'avons peu réussi à faire avec l'entreprise libérée. Aujourd'hui, l'équipe est un peu plus réduite, des cercles sont en place, chacun avançant sur ces chantiers, permettant de redonner du leadership à certains, et à équilibrer les prises de décisions. Les « fortes têtes » sont parties, libérant de la place. Un nouvel équilibre se met en place, un peu plus proche d'un Nous Mature.

Qu'est-ce que j'en apprends ? Qu'est-ce qui aurait pu être fait différemment ? L'humain ce n'est pas facile et merveilleux à la fois. Si on arrive à canaliser les énergies vers le collectif et la mission. Le piège expérimenté a été de libérer les individualités plus que l'entreprise, et donc autoriser, sans que cela ne soit légitimé, les jeux de pouvoirs interne.
Ce qui aurait pu etre fait différement, je ne sais pas, certainement nous fallait-il passer ces étapes. En revanche les pièges identifiés: délaisser l'équipe, ne pas assez structurer le post management vertical, ne pas prendre suffisamment le temps pour faire une passation de valeurs
Quelles sont les étapes de la vie des Nous illustrées par cette histoire ?
  • le pseudo nous
  • le nous fusionnel
  • le nous conflictuel
  • le nous mature
Dans quelle type d'organisation de « Nous » a eu lieu cette histoire ? une petite / moyenne entreprise (-250 salariés)
Qui êtes-vous ? co fondateur de PatteBlanche & The Island